Week-end de championnat à Marseille. 1/2 finale minime. Je prends part à la déléguation de notre club pour accompagner l'équipe que je vais reprendre l'année prochaine. Toute dernière compétition que je suivrai cette saison. Aucune pression, le simple plaisir du polo, observation du groupe, analyse du niveau national actuel. Un déplacement, cela a toujours quelque chose d'exaltant. Mais là, c'est d'autant plus vrai quand la compétition a lieu dans LE temple aquatique du polo français, le cnm.
Départ aux aurores dans la 206 de Stephane, direction Orly. J'ai toujours adoré l'atmosphère des aéroports, univers transitoire aseptisé aux lignes épurées, monde virtuel d'un entre deux. On retrouve à Marignane sur le vol suivant l'équipe au coach égaré... Arrivé à la gare St Charles sous temps orageux. Descente sur le vieux port pour faire étape à l'hôtel du même nom. C'est toujours étonnant de voir les comportements, les attitudes, qui identifient les sportifs et construisent l'identité d'un groupe ou d'une équipe... Repas en terrasse, ballade près du port puis sieste devant le match de foot. Enfin départ pour la piscine par les rues marquées de la cité phocéenne. Au détour d'un immeuble, on tombe face à la mer, un bout de plage au milieu d'une côte urbanisée. On se perd dans les dédales du vieux complexe sportif pour finalement tomber sur le grand bassin olympique. Les équipes du premier match sont déjà à l'échauffement...
On se pose et on regarde. Ici, on découvre une autre planète : une structure privée, un cercle très fermé de nageurs, une institution âgée d'une soixantaine d'année qui a pris naissance au lendemain de la guerre. Du coup, une gestion des bassins plus souple, facilement accessibles par les jeunes, des joueurs en sport-étude pensionnaires dans l'établissement, leur chambre qui donne directement sur le bassin ! Alors les jeunes à défaut de traîner dans la rue, traînent sur le bord des bassins en maillot de bain, toujours l'occasion d'échanger une balle dans l'eau avec un partenaire d'entraînement... Et quel partenaire d'entraînement ! là, derrière les buts, pendant que le match se déroule, le joueur pointe junior du cnm, l'un des tous meilleurs avant de pointe de sa génération qui s'est particulièrement distingué en coupe d'europe cette année, s'entraîne avec les minots. Les anciens sont dans les gradins, l'oeil à l'affût, des grands noms du polo circulent dans les couloirs venus simplement jeter un coup d'oeil sur le match...
On repart le soir avec une méchante défaite dans les dents contre l'équipe locale, le regard un peu dépité, mais des rêves plein la tête, des idées... Une soirée au timbre mélancolique, avec un vieux coach nostalgique qui nous raconte une fois encore ses exploits dans les années 80... De l'eau a coulé dans les bassins... Bizarrement, je pense à Elle, mystérieusement Elle. Je pars me coucher dans la chaleur pesante de l'antique cité portuaire.
Réveil assourdissant le lendemain pour un match matinal contre Aix-en-provence. Yeux embués cachés sous les lunettes de soleil, la tête dans les nuages et l'air frais du matin, la chaleur douce et réconfortante du soleil sur le visage somnolant. Paysage d'immensité bleutée. Echange avec le coach d'Aix souvent croisé dans l'arêne aquatique pendant l'échauffement silencieux et appliqué des jeunes pousses. On déplore la présence encore pesante des dynosaures à l'image de l'entraîneur de l'équipe de mon club et la difficulté à faire évoluer les choses, le manque évident de formation des techniciens, une référence française désuette encore trop repliée sur elle-même... On évoque des noms... Et tout doucement, je réalise que j'intègre ces espoirs pour la formation des générations futures. Mais le chemin est encore long, très long, particulièrement ardu, comme me le rappelle la réalité de la seconde défaite qui suit, et plus largement l'échec des clubs franciliens face aux clubs sudistes... Repas à la terrasse du restaurant du club... Là un autre aspect se dévoile, le business et la déferlante people que génère une telle institution... la réussite se montre et la gloire s'expose... Je ne me sens pas bien auprès de parents crédules et éblouis qui rêvent en lieu et place de leurs enfants et d'un coach qui se perd dans la vulgarité. Je préfère me retirer dans le recoin d'un solarium, corps poli par le soleil, casque sur les oreilles, profiter de cette ambiance de saison estivale. Dernier match sans enjeu contre notre voisin, frère ennemi, puisque éliminé après deux défaites. Le plaisir du jeu offert aux mômes qui se soldera par une parité.
Dernière discussion avec le coach marseillais, ils cherchent toujours un entraîneur par ici... Proposition vaguement abordée auparavant alors que je montais sur Paname. A l'époque il me manquait de la bouteille, un bon CV, un parrainage, un nom tout simplement... Je quitte le temple aquatique, si surprenant soit-il, la gorge nouée. Je quitte la cité phocéenne, son soleil et son atmosphère de feu... Et si la prochaine étape était ici, tout simplement le sud ? En tous les cas, il est convenu que je revienne pour des échanges de club et des stages d'entraînement.
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