Expérience troublante que la Providence du Dieu, maître des temps et de l’histoire.
La pensée occidentale vit bien souvent le mythe de l’Eden comme un paradis perdu, une sorte d’Eldorado disparu et dés lors les premiers récits bibliques prenant la forme d’une explication pré-rationnelle du monde. Or le récit de la création est moins une description des origines du monde que la révélation du sens fondamental de l’acte créateur, l’acte d’une parole souveraine et sereine jusque dans son infinie douceur où rien n’est rejeté, mais composé sous le signe de l’harmonie et ordonné sous le signe de l’alliance. Croire à la création, ce n’est donc pas d’abord se prononcer sur le fait que le monde ait eu un commencement, c’est croire essentiellement à la dépendance permanente de toutes choses à l’égard de Dieu, de tout ce qui en nous et autour de nous mérite le nom d’être. C’est accueillir l’idée d’une présence de Dieu soutenant les choses dans l’être même.
Alors l’émerveillement que nous ressentons devant les beautés de la nature, relativement candide à ses débuts, prend progressivement sens et profondeur pour nous conduire au seuil de notre être intime. Et loin de se croire des puissants, nous prenons conscience que tout ce qui nous entoure participe à ce que l’on est dès à présent. Nous ne pouvons réellement vivre au monde que parmi ce monde, en toutes choses qui le composent et avec toutes créatures qui l’habitent.
Si bien qu’ayant toujours une très haute estime de la personne humaine et de sa dignité spirituelle, nous ressentons pour autant que celle-ci n’est pas séparable d’une attitude d’accueil et de respect à l’égard de la vie. Il n’y a plus d’un côté l’homme et tout son univers abstrait et de l’autre, la création matériel et sa vie cosmique, il y a la personne vivante indissociable. A partir de là, plus rien n’est rejeté, tout est assumé, en ne se mettant pas à part mais au cœur de tout ce qui vit et existe, à l’intérieur d’une unité de création, étant nous même créature, portée par elle vers son plus haut destin, sa suprême réalisation dans une seule et même réalité démesurée : la puissance amoureuse, créatrice, agissante de Dieu en toute chose de toute éternité.
texte inspiré de "chemin de contemplation" de Eloi Leclerc
C.C. 06/2004