Il arrive parfois au grés des rencontres que l'on provoque sans vraiment le savoir des remous dans l'existence de l'autre... Une sorte de séisme intérieur qui ouvre sur des gouffres à sonder, une forme de précipité existentiel imbibé de souvenirs, imprégné d'affects conditionnés déguisés en fausses pudeurs, trempés de ces fantasmes camouflés mais si partagés... Chacun s'invite en son coeur, cherche sa parcelle de désir, son souffle de vie, sa flamme secrète, mais tout le monde se heurte à la paroi de sa solitude intérieure, à son ombre creuse, jusqu'à découvrir en l'autre ses propres quêtes dérisoires et bouleversantes.
Cependant l'homme fuit et veut oublier, et pour longtemps se foutre de toutes ces contingences en ayant l'audace légère et tranquille de les épuiser dans l'instant, dans la puissante émotion du présent, se consumer dans des évasions ludiques, des attractions sentimentalo-érotiques, des passions voraces. Se préserver des affres sentimentales en accordant avec légèreté le privilège au pur plaisir tout en conservant l'élégance associé à un sens aigu de l'ellipse...
Cultiver le mystère qui nous habite, entretenir l'ambivalence qui nous constitue, générer la confusion, en délicatesse avec soi-même, laisser planer l'ambiguité, affirmer ses contradictions s'immisçant dans les errances quotidiennes, rester énigmatique et insaisissable... Contenir en nous cette duplicité voyageuse... Sentir et capter ces mouvements intérieurs au sein d'un espace clos et complexe qui peuvent s'étirer en immensité comme conduire au confinement. Tour à tour joyeuse mélancolie et triste joie...
Finalement se frotter au monde pour faire jaillir à la vie notre réversibilité... Arrêter de vouloir sans cesse se projeter, au fond ne plus rien attendre de soi-même, mais plutôt pénétrer ces attentes viscérales, laisser place à l'instinct, au poids du corps et incarner la violence qui nous taraude comme la fragilité qu'elle tente vainement de cacher. Car c'est bien dans ce monde-ci, cette terre et ses fruits, ce "donné" humain dans lequelle on est, qu'il faut tant bien que mal s'ajuster.
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J'aime ces petites choses anodines qui prennent à l'intérieur de soi une ampleur démesurée...