Nuit interminable qui n'en finit pas de peser sur les toitures. Mon corps est lourd et courbaturé qui s'écrase dans les plis de vieux drap souillés... Réveil abasourdi. La tête me pèse et résonne encore de ces voix intérieures. Visage blafard d'adolescent aluné sur la glace de la salle de bain, je m'agrippe au lavabo dégoulinant... Je trouve un premier apaisement dans l'odeur du café quand j'ouvre la petit boîte. C'est incroyable la puissance régénératrice de ce rituel. Les murmures de la cafetière fredonnent à mon coeur une tendre berceuse, tandis qu'elle m'envoûte de ses chaudes effluves. Dub about me.
Je sors m'aérer la tête avant que je ne devienne fou, happé par ces idées brouillonnes d'une agaçante incohérente. Dans le couloir de l'immeuble, bruits de télévisions aliénantes et gémissement d'enfants. Le caniche de la voisine m'aboie à la figure. Le vent frais du matin vient me saisir dans l'entrebâillement de la porte. J'amorce quelques pas hasardeux. Rue déserte qui descend sur la ville encore assoupie. Je croise ces ovnis multicolores, sportifs du dimanche matin, peloton de cyclistes emmitouflés, groupe de coureurs. Cela donne souvent des rencontres du troisième type lors de retours de teufs... J'arrive à la boulangerie, carrefour des nations qui t'arrime à la réalité encore fuyante dans l'aube embrumée. Une voix semble m'interpeller de loin comme un écho. Impression qu'on me choque. Quelques mots malades s'évaporent timidement de mon gosier râpeux. Regard hagard. Si les gens se rendaient compte du mal extrême qu'ils te font quand ils te dévisagent avec dédain et dénigrement. Je disparais dans les ombres blanches comme un vaisseau qui prend le large...
Tout à l'heure j'ouvre le bal, première journée de championnat pour la catégorie jeune que j'entraîne. Je dirigerai d'un regard évadé, criant à la voler d'une voix rauque quelques consignes désabusées...
*
* *
L'irrémédiable, Les fleurs du mal, Baudelaire
...
II
Tête-à-tête sombre et limpide
Qu'un cœur devenu son miroir!
Puits de Vérité, clair et noir,
Où tremble une étoile livide,
Un phare ironique, infernal,
Flambeau des grâces sataniques,
Soulagement et gloire uniques,
— La conscience dans le Mal!