Hier j'avais rendez-vous avec la maladie, avec mon corps et avec un peu de moi-même. Une rencontre décisive qui marquait
le début de ma chimiothérapie. Je me suis présenté à l'hôpital dans un bon état d'esprit, bien entouré, accompagné des deux femmes de ma vie, ma très chère mère et ma tendre chérie.
J'étais déterminé à affronter la maladie et ses aléas, disposé enfin à écouter sérieusement mon corps, à prendre soin de lui, et surtout au-delà de ça, à renouer avec ma part
intérieure.
Après une première radio de contrôle du thorax, on m'installe dans la chambre pour m'administrer le traitement par intra-veineuse. Comme c'est la première fois, il faut prendre du temps
pour laisser le corps s'habituer aux effets. C'est parti pour plus de 5 heures. Je me sens prêt. Je me sens fort à supporter le traitement.
Mais l'homme aussi fort qu'il puisse être, peut difficilement cacher sa fragilité lorsqu'il est confronté à ce qu'il y a de plus secret et aussi de plus précieux en lui. Je craque à la
lecture de la lettre que m'a adressé ma chérie, n'ayant pu rester à mes côtés, véritable déclaration d'amour, de foi, d'espérance et de détermination à traverser l'épreuve de la maladie
ensemble. Jamais on ne m'avait écrit de tels mots ! Jamais on ne m'avait fait une telle profession ! Je touche là le coeur de mon coeur, je goûte à la vie de ma vie.
Je n'aurais jamais dû lire ces mots au milieu de ce champs de bataille. Et puis voilà que le médecin fait son apparition. Il ne manquait plus que ça. D'abord déstabilisé, les
informations données arrivent en masse, s'entrechoquent, mais je finis par vite reprendre mes esprits. Et plus que cela, une puissance sourde me submerge, une détermination à entrer
dans le processus de guérison, une rage de vaincre la maladie, et comme un compétiteur, une volonté de comprendre toutes les modalités d'action et d'en maîtriser les moindres paramètres
pour obtenir le meilleur résultat qu'il soit.
Ainsi l'hématologue m'apporte quelques précisions sur la maladie. J'ai donc au résultat de la biopsie un lymphome B diffus à grandes cellules, dont les masses ganglionnaires, si elles
sont essentiellement situées autour de la rate, sont pour autant disséminées un peu partout dans l'abdomen. Le PET-scan montre que ma septième côte gauche est touchée par les cellules
cancéreuses. Dès lors le protocole de traitement mis en place implique 8 cycles de chimiothérapie associé à de l'immunothérapie. Lors des 3 premiers cycles, outre l'administration par
intra-veineuse, se fera une injection dans le liquide céphalo-rachidien au niveau des lombaires, afin de permettre la diffusion la plus complète des médicaments dans tout l'organisme et
de prévenir la prolifération de lymphomes dans les os et le cerveau.
Les infirmières trouvent que j'ai de belles veines et qu'il ne sera pas nécessaire de poser un cathéter. L'hématologue trouve que j'ai un dos parfait et du coup l'injection entre les
vertèbres se fait sans mal. Heureusement qu'un corps de rêve, ça donne encore certains avantages. Par contre je dois rester allongé 2 heures durant sans bouger pour éviter de violents
maux de tête en réaction à l'injection du produit.
L'hématologue en profite pour m'expliquer toutes les prescriptions médicamenteuses visant à prévenir et réduire au maximum les effets secondaires : nausées et vomissements, maux de
tête, constipation éventuelle, possibilité d'apparition d'aphte dans la bouche, et surtout risque d'infections sévères du fait de l'action direct de la chimio sur la moelle osseuse et
le sang rendant le corps plus vulnérable. Enfin elle me donne le compte rendu d'examen afin que mon médecin traitant remplisse le dossier d'affection longue durée pour une prise en
charge à 100% par la sécurité sociale, ainsi que un arrêt de travail initial de 2 mois.
La première cure se termine bien. Nous rentrons à l'appartement tous ensemble. Je suis un peu sonné, mais un bon repas bien garni me remet vite d'aplomb.